La tasse

Ce serait un récit .On verrait d’abord une image .

Une tasse.

Une tasse posée sur un fond noir. Un tasse filmée du dessus.

La tasse est blanche ce jour-là. On ne peut pas deviner que c’est une tasse à ornements bleus.On ne peut pas deviner que le fond est une table sombre.

La tasse est remplie.

Si l’on ferme un peu les yeux, c’est une figure géométrique que l’on voit: trois cercles concentriques, un disque foncé sur un disque blanc , lui même posé sur un disque clair.  Fond noir.

On ne voit pas de table. La table c’est le fond noir.

On voit alors la tasse comme on verrait une cible. Plutot comme un rotorelief.

Un rotorelief en porcelaine blanche à fleurs bleues invisibles.

Un rotorelief à l’arrêt.

Cette tasse devant moi. Je n’y ai pas encore touché.

Je lui préfère celle que j’ai appelée un jour de Novembre, la tasse miraculeuse.

On dirait une auréole peinte , une grande ostie imprimée. La cuiller à gauche de la tasse est toute plate,

Miraculeux vraiment ce cheval scintillant, en plein galop dans le fond de la tasse. Hypnotique . Il galope à la page du 14 novembre 2005 dans mon journal.

 l’anse à droite est presque à la place de la tête de l’animal.

Il tourne pour l’éternité au coeur de l’ordinateur. Cette  course pour toujours jusqu’à “après”me rend folle, ces ruades, ces pattes arrières, ces sept images qui se succédent.

A côté de la sous-tasse quelques grains de sucre. Une petite cuiller à gauche , puis à droite. Parfois ma main prend cette cuiller, délicatement.

 La cuiller est posée sur un morceau de sucre fondu.

La tasse contient un liquide noir. Il peut être clair ou épais. Le liquide se boit souvent chaud.

Je l’aime brûlant et pas trop fort. Certains ajoutent du sucre ou un peu de lait; je n’aime pas le lait.

Je le bois  s’il n’est pas amer. Je ne le finis jamais. Jamais.

Parfois je ne le bois même pas.

Mais j’ai  le plaisir de le préparer, de le servir, puis de l’abandonner.

Lorsque je vais lui rendre visite, elle a préparé les tasses.

Chaque fois elles sont différentes. Posées ou non sur un petit plateau.

Le rituel est de boire puis de parler.

”Moi, immobile j’attendis jusqu’à ce que ma mère vint boire le sang noir.”

C’est ce qu’Ulysse dit après s’être adressé ainsi à Tiresias:

Je vois là devant moi, l’ombre de ma mère défunte.

Elle se tient muette près du sang, et n’ose pas regarder dans les yeux de son fils, ni lui parler.

Dis moi, seigneur comment me faire reconnaître.

Tirésias répond ainsi

La chose est simple à dire et à faire comprendre:

Tous ceux des trépassés auxquels tu donneras licence de s’approcher du sang te parleront selon la vérité/

Ceux que tu écarteras redescendront.

 Je me dis parfois, que la tasse à chaque fois préparée contient “le sang noir”.

Qu’ainsi je peux entendre. Qu’ainsi d’autres me voient et m’entendent moi aussi .

Cela signifierait aussi que je suis plutôt mort que vif, et que c’est moi qui suis aux Pays des morts/ . Je ne m’y vois pas trop à vrai dire au Royaume des défunts;

L’idée ne me plaît qu’à moitié. Elle me fait rire à moitié. Elle me fait rire jaune.

Aux Enfers à  mon insu…Je ne peux y croire.

Je n’y ai vu personne. Il n’y a personne. Je n’ai pas vu  l’ombre de ma mère, je ne l’ai pas entendue. Elle n’est pas là.

C’est une visite aux vivants qui se prépare donc.

Ce serait un récit .On verrait d’abord une image .

Un portrait.

Quelqu’un serait assis devant un fond. un rideau .

Un homme ou une femme, un enfant peut être. Les mains sont crispées semble t-il .

 Le visage est enfermé dans une sorte de cagoule blanche à oreilles.

Les yeux sont deux trous noirs.

“Oreilles blanches” appelons ainsi le modèle est photographié alors qu’il regarde la projection d’une  tasse filmée du dessus et sur un fond noir.

La tasse est blanche ce jour-là.

On ne peut pas deviner que c’est une tasse à ornements bleus.

On ne peut pas deviner que le fond est une table sombre.

La tasse est remplie.

Si l’on ferme un peu les yeux, c’est une figure géométrique que l’on voit: trois cercles concentriques, un disque foncé sur un disque blanc , lui même posé sur un disque clair.  Fond noir.

On ne voit pas de table. La table c’est le fond noir.

On voit alors la tasse comme on verrait une cible.

Plutot comme un rotorelief.

Un rotorelief en porcelaine blanche à fleurs bleues invisibles.

Un rotorelief à l’arrêt et que regarde “Oreilles blanches”

A la cible immobile succède une auréole peinte , une grande ostie imprimée. La cuiller à gauche de la tasse est toute plate,

Miraculeux vraiment ce cheval scintillant, en plein galop dans le fond de la tasse. . Il galope aussi à la page du 14 novembre 2005 dans mon journal.

 l’anse à droite est presque à la place de la tête de l’animal.

Il tourne pour l’éternité au coeur de la porcelaine. Cette  course pour toujours/ jusqu’à “après” rend fou,

Sept images qui se succèdent rendent fou.

Sept images d’un film de Buster keaton

En regardant la suite du film , Oreilles blanches comprend que Le rituel est de boire le contenu de la tasse puis de parler.

On entend alors:

”Moi, immobile j’attendis jusqu’à ce que ma mère vint boire le sang noir.”

C’est ce qu’Ulysse dit après s’être adressé ainsi à Tiresias:

Je vois là devant moi, l’ombre de ma mère défunte.

Elle se tient muette près du sang, et n’ose pas regarder dans les yeux de son fils, ni lui parler.

Dis moi, seigneur comment me faire reconnaître.

Tirésias répond ainsi

La chose est simple à dire et à faire comprendre:

Tous ceux des trépassés auxquels tu donneras licence de s’approcher du sang te parleront selon la vérité/

Ceux que tu écarteras redescendront.

Oreilles Blanches se dit que  la tasse à chaque fois préparée contient “le sang noir”.

Qu’ainsi il peut  entendre. Qu’ainsi d’autres le voient et l’entendent aussi .

Il se dit alors , que photographié ainsi devant le fond aux ornements, il est plutôt mort que vif, que c’est lui qui est aux Pays des morts: au Royaume des défunts;

C’est lui qui est mort. Il  ne peut y croire. Aux Enfers à  son insu… Il n’y a vu personne. Il n’y a personne. Il n’a pas vu  l’ombre de ma mère. Il n’a pas entendu sa voix.

Elle n’est pas là.

De Jean à Julien

Ne vous laissez pas abuser. Souvenez-vous de vous méfier. Et même de l’évidence: elle passe son temps à changer. Ne mettez trop haut ni les gens ni les choses. Ne les mettez pas trop bas. Non, ne les mettez pas trop bas. Montez. Renoncez à la haine: elle fait plus de mal à ceux qui l’éprouvent qu’à ceux qui en sont l’objet. Ne cherchez pas à être sage à tout prix. La folie aussi est une sagesse. Et la sagesse, une folie. Fuyez les préceptes et les donneurs de leçons. Jetez ce livre. Faites ce que vous voulez. Et ce que vous pouvez. Pleurez quand il le faut. Riez.
J’ai beaucoup ri. J’ai ri du monde et des autres et de moi. Rien n’est très important. Tout est tragique. Tout ce que nous aimons mourra. Et je mourrai moi aussi. La vie est belle.

Jean d’Ormesson

De Jean D’Ormesson à Johnny

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Hier en cours j’ai à peine évoqué d’Ormesson dont je n’ai rien lu mais qui m’a toujours fait sourire . Quand on regarde des archives, on le voit jeune et légèrement moins buvable que le vieux sage, honnête homme et séduisant dans son « étiquette «  et sa langue.

Je voulais que les étudiants sachent ce qu’est un homme du XIX ème siècle.

Une sorte de fossile, de truc que l’on tourne et retourne avec une pince spéciale pour « voir ». Si on incise on trouve Chateaubriand, Jamblique, Lucien de Samosate, Apulée et bien d’autres. Ca me parle. Mais on découvre aussi des tas de choses contemporaines que cet homme vivant et attentif connaissait.

Quant à Johnny, ( après une nuit encore pénible de rêves et cauchemars :morts, casques de guerre, vieille dame dans un village et une cuisine faite de morceaux de Palais italiens, villages, procession, mer derrière une voie de chemin de fer, chemin côtier, commande pour une place publique, motifs guerriers, travail inachevé puis installé puis marqué dans le plâtre de la réalisation, par les empreintes de pas d’un artiste star qui se greffe sur mon travail, tout comme cette vieille dame et ses casques gravés et ses quelques gouaches splendides. Larmes et impossibilité d’aller à l’enterrement de G. Villa Médicis , une porte que je connais pas. Drip. Couleurs dont le turquoise.) Et me revient l’instant la maison où j’arrive car une famille de Bucarest me dépose. Mais je laisse les portes grandes ouvertes et quand je reviens, je crois dans l’escalier un homme et un garçon. Des voleurs qui n’ont pris malgré l’argent et les ordis, qu’un tampon de l’entreprise Delprat Frères et une sorte de sceau dont je ne vois pas l’image.

Je roule à vélo , on m’annonce une côte puis hop une descente vertigineuse. J’ai des vêtements trop chauds. Camille me suit.

Un coup d’oeil par la vitrine du café. Un homme porte sur son épaule un sapin.

Bref quant à Johnny ( la guitare qui fait des flammes !!!) disais-je… Johnny. Comme toute Française de base, ce monument je l’aimais bien. Je l’avais rencontré plusieurs fois et j’avoue qu’avec ses yeux très clairs et intenses lorsqu’en plus ils étaient maquillés,  avec sa concentration , il était impressionnant. Un de ces jours là il sortait de la scène du théatre Edouard VII / Les sosies l’attendaient à la sortie des artistes mais il sortait d’une autre façon/ Je me souviens que bien plus tard alors que nous passions en taxi, l’un d’eux était encore debout dans la nuit avec son bouquet de roses. Ca m’avait fait de la peine. Ce type-là debout dans le froid qui attendait son héros comme une fiancée. Que lui aurait-il dit ou bredouillé, dans le noir. ) Bon donc dans la loge   il était assis , silencieux. Rentrer dans le saint des saints n’était déjà pas une mince affaire et R. avait dû montrer patte super blanche. Moi je suivais ( comme dans ces cas là ) de Georges Wilson, Michel Bouquet, Eddy Mitchell, Jean Louis Trintignant, ou François Mitterrand, Pierre Prévert, Jean-Maris Rivière, Charles Trenet et j’en passe. De Chantal Goya à John Malkovitch en passant par Chabrol, Louis de Funès, Fellini, Jean Pierre Leaud, etc etc … oui je suivais comme un petit toutou un peu timide. Je cite peu de femmes finalement. Hum. Qui ?

« La France orpheline de Johnny », témoignage, larmes, Hughes Aufray qui explose de muscu ou de produits gonflants dans son jean super serré. Mais il est encore pas mal .

Nous papotons avec le libraire . Line Renaud croyait au miracle, “la France n’es plus tout à fait la même « , les touristes eux mangent quand même leur omelette et on entend parler de décor de théâtre à deux tables plus loin.

Je me suis mise en deuil minimal alors que je devais aller à l’atelier et peindre. L’annonce de la mort de J est une trop bonne occase pour fuir la peinture. Quand je regarde les images de la galerie de Berlin, j’ai intérêt à activer.

Pas saigné du nez aujourd’hui mais encore hier soir.

Tiens en parlant Johnny, son producteur m’avait demandé quand j’étais à Rome un projet d’affiche . Ca n’a pas marché et les peintures ( car j’avais fait des grands trucs ) doivent moisir quelque part et c’est très bien ainsi.

Bon. Faire des chèques. Aller à la poste et la banque.Passionnant.

 

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