DOVE SEI MARCELLO

Mercure

Je vais tenter ici une chronologie de mes fontaines pourrait-on dire. C’est difficile. 

1/ La fontaine lamentable

Les premiers jeux d’eau auxquels j’ai assisté étaient lamentables: Un bassin en forme de haricot bleu pâle écaillé. En son centre un footballeur haut d’une trentaine de centimètres. Il marque un but. C’est son destin figé: marquer pour l’éternité un but, corps penché en arrière, jambe lancée en avant. Un jet d’eau médiocre s’échappe de son crâne. On a inventé des tas d’histoires dans cette médiocre vasque de plastique, on a transformé le footballeur en Dieu, Ours, en orphelin. On a tenté de le casser.

Peter Fischli et David Weiss auraient pu intégrer cette scène dans leur ensemble modelé: Suddenly this overview.

2/ Mon oncle/ Jacques Tati

Il y avait un professeur aux Beaux-arts qui était chef de l’atelier gravure. Un grand type qui m’impressionnait un peu. Je le voyais au café près de l’école. Il avait une moustache et promenait son verre . Il était  drôle et assez exubérant. On a parlé ensemble plusieurs fois , de quoi je l’ignore. Je le trouvais très vieux et il ressemblait un peu à une fouine ( après vérification il avait mon âge d’aujourd’hui ). Je ne savais pas trop quoi lui dire. Et lui s’est bien gardé de m’avouer qu’il était Jacques Lagrange le  collaborateur de Tati, qu’il avait dessiné la villa Arpel et le fameux poisson fontaine. 

J’ai toujours trouvé cet objet désopilant. De la somptuosité des fontaines de châteaux ne restait que cet sculpture -fontaine à l’aspect ingénu, et qui se métamorphosait en un accessoire prétentieux dès que la maitresse de maison actionnait le bouton du jet d’eau capricieux

3/ Les griffons du Musée d’Amiens

Je les ai forcément vus lorsque j’étais enfant. Deux bassins de part et d’autre de l’allée et des griffons qui crachent l’eau. Aucun souvenir. 

4/ Au bord

Autour des fontaines on se rencontre, on se repose, on ose se déchausser. Nous avons tous connu-voyageurs, passants, promeneurs exténués- ces instants délicieux. On pensait mourir de fatigue et de chaleur et soudain, là sur cette place la voilà qui nous sauve.. Derrière ce bosquet on l’entend. On la devine. En bas de cet immense escalier la barque nous attend.  Enfin rafraichis, on s’attarde et l’on observe à Fontainebleau un chien assis qui regarde droit devant lui et pisse une eau fraîche Diane au dessus poursuit sa course et se saisit d’un flèche de son carquois. Ce sont les gestes arrêtés qui me fascinent, les histoires figées, les scènes mythologiques effrayantes …Au bassin de Latone c’est la folie et la cruauté du châtiment. Les hommes sont en pleine métamorphose. Les mains se transforment en pattes, puis c’est tout le corps qui devient crapaud .Privé de parole il ne peut que cracher l’eau de sa gueule de plomb doré. .

 6/Evidemment l’Italie, Evidemment Marcello

Tivoli, Villa d’Este ( (j’ai photographié chacune des cent gueules qui crachent l’eau)… Fontaine d’Acteon à Caserta, Rome Fontaine Trevi, Marcello Dove sei? Fontaine des quatre fleuves devant la façade de Borromini… Mercure élégant de Gianbologna,

Mousse, l’obscurité, glouglous mécanismes inventés par les fontainiers . Merveilles hydrauliques…Scherzi d’acqua. Et l’eau coule et coule et éclabousse et surprend … Stalactites, Dauphins, Monstres , Faux rochers, et arbres tordus, Naïades , Palmiers, Dieux des fleuves, crapauds, faunes et Dianes chasseresses, tritons, barbes et muscles, tridents et cascades, colosses, grottes humides, obscurité , monumental décor de pierre et d’eau, de bronze et d’or nous emplissent d’effroi. Voiles de marbre, nudités, vents et orages. Spugnes et yeux de verre, coraux fossiles, laves de calcaire. Les fontaines monumentales sont terribles et monstrueuses, seuil d’un monde divin, grondant et menaçant. Qui sont les Dieux, qui sommes nous.  Des pierres, des mécanismes…Pan et Hercules cachés pour l’éternité.

Ovide et encore Ovide. Pratolino / géant de l’Appenin… 

L’Apennin, le dieu-montagne, c’est un des seuls restes de la villa Pratolino démolie en 1822. 

Gianbologna réalisa sa maquette en terre cuite. Montaigne le décrit ainsi

« Et se bâtit le corps d’un géant, qui a trois coudées de largeur à l’ouverture d’un œil, le demeurant proportionné de même, par où se versera une fontaine en grande abondance « …

« Les descriptions de L’Apennin sont surprenantes : on peut lire qu’il s’agit d’une sculpture créée par la nature elle-même, ou alors que pour le visiteur inattentif c’est une montagne très bien imitée et que la figure humaine n’est découverte que si on l’observe avec une attention particulière.

Les visiteurs de l’époque lui donne une hauteur de 35 mètres de haut s’il était debout..

« Accroupie dans sa niche, recouverte de buissons luxuriants( il serre dans son poing un monstre à tête de loup ), la statue donnait l’impression d’une apparition visionnaire créée par la nature elle-même. »

Le colosse de L‘Apennin est constitué de plusieurs grottes:

« Nous ne décrirons pas avec détail les procédés de construction de la statue, les matériaux dont elle se compose, les trois étages de grottes qu’elle renferme »

 7/Vérité

Incroyables théâtres ou portes de au -delà qui m’effraient je dois le confesser. 

Je crois que c’est cela qui nous attend… après. Aussi vrai que la bocca di verita arrachera notre bras si nous ne disons pas la vérité.( Evidemment Vacances Romaines )

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