Oenanthe xanthoprymna

 

Dans l’avion, mon voisin était déjà installé  et avait gardé son manteau à chevrons et son bonnet orange fluo. Il en a déroulé le bord pour se cacher les yeux et dormir.

Dans l’avion, j’adopte toujours une position foetale et il faut dire qu’avec un billet normal on est encastré. Je ne suis ni énorme ni grande, mais il y en a qui doivent souffrir. Bientôt il y aura à la place du machin pour calibrer les valises, une espèce de coque humaine. Une forme approximative du genre de celles laissée par un corps assassiné et délimité par la police à la craie blanche… Si on est pas dans les “canons”, hop la soute.

Dans l’avion mon voisin près du hublot avec son manteau à chevrons marrons, a relevé son bonnet et attrapé le livre devant lui. J’ai vu que l’éditeur était le défunt POL ( mourir dans un accident de voiture est quand même la chose la plus stupide répertoriée ) . J’ai lorgné discrètement mais je ne voyais pas la couverture. En faisant un petit effort j’ai lu en haut des pages: Le traquet kurde. Mais je ne savais pas ce qu’était un traquet et donc qu’une certaine forme d’ornithologie me poursuive ( Malouf voir jours précédents) n’a pu me venir à l’esprit. Je n’ai pas vu qui était l’auteur. J’ai noté ça sur mon iPhone et puis j’ai continué à lire ( je n’ai pas encore tué Kennedy et j’ai du monde aux trousses, notamment ceux qui m’ont payée pour dégommer Castro. J’ai pris l’argent et j’ai disparu… ) ou à somnoler pliée en quatre comme je l’ai dit.

C’était hyper rapide ce voyage à Berlin. C’est bizarre. RER, taxi , Check point Charlie, Galerie. Puis quelques heures plus tard, la même chose dans l’autre sens. Sauf que le RER du retour a mis des années. ( Un garçon m’a demandé si j’étais la figure ” de cire ” de la maison rouge et on a commencé à parler. Il revenait de Suède chaque semaine et construisait des plates formes pétrolières. Il ressemblait à Thomas, même genre d’homme, beau, ouvert et drôle et doux. )

La galerie est magnifique. Et c’était très agréable de déjeuner avec l’équipe. Ensuite j’ai tourné, j’ai viré, j’ai pris des notes. Me suis dit que c’était grand, très grand, que j’allais mettre ça et ça. Puis ne mettre ni ça , ni ça… Bref c’était très ” energizing “. Ca m’a plutôt enthousiasmée qu’angoissée et maintenant je me demande si ce n’est pas le contraire.

Pour en revenir au traquet kurde, je sais maintenant de quoi il s’agit. Dans l’avion j’avais réussi à lire un peu la quatrième de couverture.  Mon voisin aux yeux cachés à nouveau, avait posé le livre blanc sur le tissu à chevrons beiges de son grand manteau long.

Au printemps 2015, un ornithologue amateur observe au sommet du puy de Dôme un petit oiseau, le traquet kurde, jamais vu en France auparavant, et dont nul ne sait comment il est arrivé jusque-là. Sur la piste du traquet kurde, le narrateur de ce récit, quant à lui, croisera les ombres de T. E. Lawrence, St. John Philby (le père du célèbre espion), Wilfred Thesiger, celle aussi d’un invraisemblable escroc, mystificateur et mythomane, le colonel Meinertzhagen, et beaucoup d’autres grandes figures de l’histoire impériale britannique.

Je n’ai jamais lu Rolin. Ni beaucoup de littérature contemporaine d’ailleurs.

Mes oiseaux à moi étaient contents de me retrouver enfin c’est ce que je me dis.

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